Château d’Aumelas à deux pas de Saint Paul et Valmalle, an de Grâce 1121, au pied des remparts, la populace se regroupe aux appels du héraut du seigneur Guilhem d’Aumelas. Autour du village de tentes, l’agitation est grande ! Les manants découvrent la troupe du seigneur et tous les artisans qu’il a fait venir pour donner un nouvel essor au comté dont il vient d’hériter… Mais un brigand du nom de Bourrin des Bois va s’opposer à ses desseins !

Qui du bien ou du mal l’emportera ?

Le Moyen-Âge comme si vous y étiez…

Le décor et l’histoire sont posés mais nous ne sommes pas dans le scénario d’un film historique. En effet,
pour ce dernier week-end de septembre, les ruines du château d’Aumelas ont été investies par la troupe des Chevaliers des 4 Vents. Spécialisée dans la reconstitution médiévale, elle a été sollicitée par l’association qui s’occupe de préserver la forteresse qui veille sur la plaine de l’Hérault. Quand j’ai été contacté poursuivre l’événement, mon sang n’a fait qu’un tour, palsambleu !

Quitte à faire un reportage, autant se mettre en immersion totale. Ma proposition est acceptée et je vais enfin avoir l’occasion de me mettre dans la peau d’un chevalier. Je rejoins le camp le dimanche matin, mes hôtes ont passé la nuit sur place car ils ont déjà animé les lieux la veille. Première étape pour rentrer dans la peau du personnage, revêtir les vêtements du seigneur pour devenir Godefroy du Merdanson. Le large caleçon de lin est surmonté de braies de couleur rouge, au dessus de la chemise blanche, je passe une tunique de soie rouge, la couleur de la noblesse. Il ne me reste plus qu’à mettre le chapeau en laine pour me sentir imprégné de mon rôle. Lorsque j’arrive près de la grande tente où est réunie toute l’équipe, je passe au scanner bienveillant de ces experts en Moyen-Âge. On me remet la ceinture en place et on me fait remarquer que je ne suis pas rasé. Moi qui pensait bien faire, j’apprends qu’à cette époque, le poil était une marque d’animalité. Les hommes ne portaient pas la barbe et les femmes s’épilaient. En fait, on prenait un bain une fois par semaine et on se lavait tous les jours. Voilà déjà une idée préconçue sur cette époque battue en brèche. Autour de la table, les membres de l’association se préparent à jouer leur rôle. Cuisinière, herboriste, artisan, seigneur, soldat ou brigand, ils vont, durant toute la journée, initier le public à la vie médiévale et proposer des scènes de combat. Issus de tous les milieux, ces passionnés vivent à fond leur rôle. Certains sont même venus en famille et les enfants adhérent à
l’histoire sans rechigner. Une adolescente me confie même que ses parents deviennent comme des enfants lors de ces reconstitutions… Mais l’heure tourne et Anastasie la Chaudronne bat le rappel pour le repas. Nous déjeunons dans des bols en bois avec des couteaux et des piques (la fourchette n’a pas encore été inventée). Salade de légumes et poulet cuit à l’hypocras (vin épicé), c’est tout simplement délicieux comme le rumsteck cuit au gros sel que l’on goûtera plus tard pour le goûter…

Une époque mal connue…

Ayant grandi avec un mini château-fort et les chevaliers en plastique dans ma chambre, je suis aux anges. Mes lectures de Walter Scott, les séries comme « Ivanhoé », « Thibaud ou les Croisades » mais surtout tous les films « Les Vikings », « Excalibur », « Robin des Bois », « La légende d’Arthur » ou même « Sacré Graal » qui ont marqué mon enfance et adolescence ont « légèrement » altéré ma vision de cette époque.

Mais pas le temps de discuter, les premiers visiteurs arrivent et chacun doit regagner son poste. Sous les tentes colorées, les curieux, petits et grands vont pouvoir poser toutes les questions qui leur brûlent les lèvres. Herboristerie, habillement, fourrure, médecine, cotte de maille, jeux, armes et même (réservé aux adultes) découverte de la vie sexuelle de l’époque, tous les sujets sont abordés. Le public passe de l’un à l’autre et est d’autant plus attentif qu’il doit répondre à un questionnaire qui permettra à la fin de la journée de gagner des lots. Si les enfants sont des spectateurs acquis à la cause, il est étonnant de voir à quel point les parents se prennent au jeu. Devant la table de l’haubergier (le fabriquant de cotte de maille), les questions fusent sur la technique, le poids et la réalisation de cet élément indispensable à la protection des combattants. Le site réservé au combat attire tous les enfants. On peut s’y essayer à l’arc et à l’arbalète et même combattre avec des épées en mousse. Devant l’arsenal d’armes blanches, le public est surpris par l’imagination et les ruses des combattants de l’époque.

De mon côté, l’habit n’a beau pas faire le moine, je me sens comme investi d’une mission dans mon rôle de seigneur. Je sens d’ailleurs que les visiteurs me regardent comme si je faisais partie du décor. Je prends donc mon rôle à cœur et comme mes compétences sont réduites en connaissances médiévales. Je décide d’orienter les visiteurs vers les différents ateliers, j’en profite pour en suivre certains et apprend une foule d’informations sur cette période si peu connue par nos contemporains. Ici, on découvre  comment les paysans se soignaient avec les plantes de leur jardin, comment la laine était tissée, quelles étaient les meilleures machines de guerre adaptées aux sièges de châteaux, comment on fabriquait les meilleurs hauberts (cotte de maille longue) ou comment la guérisseuse agissait sur les maux de tous les paysans qui ne pouvaient plus se soigner par leurs propres moyens, bref, me voilà plongé en plein cœur de la vie médiévale.

Prêt au combat…

Mais le devoir m’appelle car le rôle du seigneur est de protéger ses paysans, je dois échanger mes vêtements de cérémonie contre la tenue de chevalier en arme. Je me défais de la tunique en soie pour enfiler le gambison, une veste matelassée placée sous la cotte de maille et qui atténue les coups évitant les fractures, notamment celles de la clavicule. Sous la température estivale, la chaleur est insoutenable. Et je suis un privilégié car je ne porte pas la cotte de maille. Équipé de pied en cape, je m’essaie au combat. L’épée malgré sa taille et son poids (un peu plus de 1kg) est très équilibrée et étonnamment maniable. Pourtant lorsque je me retrouve face à La Couleuvre, un chevalier maniant le bouclier et la hache à la perfection, je ne fais pas long feu ! Au bout de deux minutes de combat, je suis
à bout de souffle.

Qu’à cela ne tienne, après la scène de combat opposant la garde aux brigands du clan de Bourrin des
Bois, nous devons tous affronter la mêlée des enfants. Genoux à terre, bouclier planté en terre, nous devons faire face à tous les enfants qui vont, dans une joyeuse débandade nous foncer dessus. Derrière les boucliers, l’assaut est facilement contenu malgré les coups de pieds de ces chères têtes blondes qui n’ont vraiment aucun respect pour ceux qu’ils encensaient il y a encore peu de temps. Sous mon casque, j’imagine l’angoisse de ceux qui à l’époque devait affronter de vrais guerriers… Heureusement, cette journée n’est qu’une simulation. Après avoir cédé à l’impétuosité des bambins, nous nous relevons sans aucun dommage contrairement aux troupes qui subissaient les assauts  des ennemis.

Il est temps alors de retrouver la tenue de cérémonie pour participer au final de la journée. Le duel entre
Guilhem d’Aumelas et Bourrin des Bois se soldera au final par la victoire d’Anastasie la Chaudronne, qui
remet les pendules à l’heure entre les protagonistes.

La journée touche à sa fin et le temps est venu d’abandonner le XIIème siècle pour retrouver la modernité avec quelque regret car ces quelques heures resteront gravées à jamais dans ma mémoire. Je comprends que l’on puisse se prendre au jeu car ces moments vécus auront été bien plus qu’un simple rôle, cela m’a complètement transporté au Moyen-Âge. Pour les membres de l’Ordre des 4 Vents, la soirée est loin d’être finie, il va falloir démonter tout le camp, charger les camions et revenir à Montpellier pour tout décharger dans les locaux de l’association. Un rude week-end qui se terminera par un repas partagé entre tous avant de reprendre le rythme du quotidien…

Layalina, novembre 2016

Texte : Marc Brun • Photos : Sophie C.
Seigneur Godefroy du Merdanson